Un manager qui veille plutôt qu’un chef qui surveille, ce qu’attendent les jeunes diplômés
Dans cet article, initialement publié dans The Conversation France, Manuelle Malot et Geneviève Houriet Segard - respectivement directrice et directrice adjointe de l'EDHEC NewGen Talent Centre - décryptent les attentes des jeunes diplômés d'écoles de management et d'ingénieurs vis à vis de la figure du manager.
Pourquoi certains jeunes diplômés s’épanouissent dès leur premier jour de travail, tandis que d’autres vivent difficilement leur insertion en entreprise ? La réponse tient souvent à une figure pivot : le manager.
Nous avons passé au crible près de 2 000 réponses d’anciens d’écoles de management et d’ingénieurs en début de carrière avec moins de six ans d’expérience professionnelle. Entre statistiques massives et verbatims sans filtre, un portrait-robot clair et moderne d’un « bon chef » se dessine.
Un bon chef veille ? Surveille ? Éveille ?
Rôle modèle
Premier enseignement : la nouvelle génération place la transparence et l’honnêteté tout en haut des attentes vis-à-vis de leurs supérieurs. Cela implique une clarté dans les objectifs :
« Un manager doit avoir les idées claires, savoir expliquer les attendus à l’équipe, créer une dynamique de travail et assurer une bonne circulation des informations »,
résume un des diplômés interrogés.
Facilitateur pour son équipe, le manager apporte la vision à grande échelle. Il doit être capable d’engager ses troupes dans le projet commun. Il assoit sa légitimité sur son exemplarité et ses compétences, autant techniques qu’humaines. Aujourd’hui, un manager dont l’autorité ne serait que statutaire a peu de chance de réussir.

En plus de toutes ces qualités, 40 % pensent qu’il est très important qu’un chef soit inspirant. Ce besoin de role model est plus prégnant auprès des jeunes diplômés d’écoles de management : 50 % d’entre eux considèrent très important d’avoir un manager inspirant alors que ce n’est le cas que pour 34 % des diplômés d’écoles d’ingénieurs. Un des répondants décrit le profil du manager parfait :
« Il doit être passé par mon poste, posséder une solide expertise technique et faire preuve d’une bonne communication sur les projets et le travail à accomplir, tout en veillant au bien-être de son équipe. »
Peur du micro-management
La relation de confiance est l’autre élément clé que les jeunes souhaitent fortement retrouver auprès de leurs managers : ils redoutent le micro-management, véritable frein à leur engagement et appellent à des pratiques managériales qui favorisent un environnement de travail bienveillant, responsabilisant où la confiance est un préalable. C’est un double défi pour les managers qui doivent à la fois déléguer avec sérénité et se montrer rassurants :
« Pour moi, le manager idéal accorde sa confiance, ne me micro-manage pas, me laisse être autonome tout en me donnant un cadre. »
La figure du manager qui veille plutôt que celui qui surveille fait consensus parmi ces jeunes diplômés. Ils sont relativement satisfaits de leur situation actuelle : près de 8 d’entre eux sur 10 déclarent bénéficier de cette transparence, et 9 sur 10 de la confiance, si importante à leurs yeux.
La moitié d’entre eux estiment aussi « très importante » la reconnaissance des managers vis-à-vis de leurs performances et des efforts qu’ils déploient dans leurs missions. Cette reconnaissance est plus souvent recherchée par les jeunes issus d’écoles de management (54 %) que ceux d’écoles d’ingénieurs (45 %).
C’est une génération qui a un fort désir d’évaluer leurs impacts non seulement au sein de l’entreprise, mais aussi plus largement dans la société. Le manager devient leur boussole du travail bien fait et de son utilité. Il doit être « franc autant sur les succès que les points à améliorer, reconnaissant du travail accompli », mentionne un des interviewés, « il doit donner une direction et un sens au travail de ses collaborateurs ».
« À notre écoute »
En parallèle, l’écoute est la qualité le plus souvent mentionnée dans les descriptions d’un manager idéal : 4 verbatims sur 10 mentionnent cette attitude. Elle est souvent associée à la capacité d’un supérieur hiérarchique à bien gérer la charge de travail en vue de « protéger ses collaborateurs du stress » et « prendre position vis-à-vis de demandes externes qui seraient trop exigeantes ». Ce rôle de protecteur et son aptitude à défendre les intérêts de l’équipe sont d’ailleurs jugés très importants par la moitié des répondants (49,4 %).
L’étude montre aussi que ces jeunes actifs rêvent d’un manager attentif à leurs aspirations de carrière et envies de progresser. Leur premier objectif professionnel est de continuer à acquérir des compétences et se développer personnellement. Conscients des évolutions très rapides des compétences recherchées sur le marché de l’emploi, ils espèrent pouvoir compter sur leur N+1 pour jouer le rôle de coach/mentor en étant « à leur écoute, en accompagnant leur montée en compétences et en les conseillant sur les possibilités d’évolution au sein de l’entreprise en matière de responsabilités et de salaire ».
Que ce soit pour évaluer leur performance ou pour progresser professionnellement, les jeunes d’aujourd’hui tablent beaucoup sur les feed-backs de leurs managers.
Ils sont un tiers à estimer que c’est un rôle très important de leur supérieur (86 % si on additionne les modalités « important » et « très important »). Un jeune nous explique que « le manager doit prendre le temps de revoir les travaux et donner des conseils pour s’améliorer ».
Pourtant, le feed-back ne semble toujours pas faire complètement partie des pratiques managériales : 43 % des interrogés n’en bénéficient pas de manière régulière, 36 % des jeunes actifs issus d’écoles de management vs 47 % de ceux issus d’écoles d’ingénieurs. Près de la moitié (47 %) ne reçoivent pas non plus d’aide de leur responsable d’équipe pour développer leur employabilité que ce soit par le partage de compétences ou de réseau.
« À la fois guide, mentor et protecteur »
Les jeunes actifs diplômés brossent aujourd’hui un portrait sans ambiguïté de ce qu’ils attendent de leur manager : un leader accessible, à l’écoute, qui inspire confiance, donne du sens au travail et donne « envie d’avoir envie » et de s’engager… Trop souvent, nous disent les jeunes collaborateurs, le manager se plaint d’être pris en étau entre ses objectifs fixés par sa hiérarchie et les états d’âme de ses équipes.
Finie donc l’époque du chef autoritaire et distant : place à un encadrant capable de conjuguer clarté des objectifs, reconnaissance des efforts et accompagnement dans le développement professionnel. Pour cette génération en quête de sens et d’impact, le manager idéal est à la fois guide, mentor et protecteur, capable de créer un cadre de travail stimulant et bienveillant.
Si de nombreux jeunes déclarent déjà bénéficier de relations managériales satisfaisantes, les marges de progression restent réelles, notamment en matière de feed-backs réguliers et de soutien à l’employabilité. Plus que jamais, la qualité du management s’impose comme un levier décisif d’engagement et de fidélisation pour les jeunes talents en entreprise.
Portrait type d’un manager idéal
« Une personne qui fait confiance et laisse toute autonomie dans les tâches du quotidien. Qui est consciente des points forts et points faibles et aide à s’améliorer et à progresser. Qui valorise le feed-back et en donne régulièrement. Qui manage par l’exemple, en instaurant elle-même une culture bienveillante, ambitieuse, intelligente. Qui joue un rôle de mentor, défend et représente son équipe. Qui est à l’écoute et présente quand on a besoin d’elle. »
Cet article de Manuelle Malot, Directrice Carrières et de l'EDHEC NewGen Talent Centre et de Geneviève Houriet Segard, directrice adjointe de l'EDHEC NewGen Talent Centre, a été republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Photo de Priscilla Du Preez 🇨🇦 sur Unsplash